Genèse
Je suis née en Normandie, dans le département de l'Orne, à Flers très précisément. J'ai deux sœurs aînées, une sœur cadette et un frère.
Mon père est ouvrier d'usine, ma mère couturière. Pas de temps ni d'argent à consacrer à l'art. La peinture est pour eux un loisir de gens aisés, à juste titre. Autant dire que mes débuts dans la peinture n'ont pas été très bien compris !
Mes débuts ! Parlons-en !
Remontons jusqu'à ma petite enfance, avant même que je sache lire et écrire. Mes parents possèdent une maison mitoyenne avec celle de ma grand-mère maternelle qui est couturière. Elle a installé l'atelier au premier étage de sa maison. À ce même étage, mes deux arrière-grand-mères ont chacune une chambre. Ma mère travaille avec ma grand-mère dans son atelier. Mais comment occuper une petite fille pendant que maman coud ? J'avoue qu'à l'époque, déjà, il n'est pas question de rester à ne rien faire. La solution: du papier et des crayons, souvent dans la chambre de mon arrière-grand-mère. Banal ! Comme tout le monde me direz-vous! C'est vrai!
À l'école maternelle, mon intérêt se focalise sur les images récoltées grâce aux bons points. Images d'Epinal et reproductions de tableaux. Une grande image en échange de dix bons points ! Qu'à cela ne tienne, il ne m'en faut pas plus pour me motiver et m'appliquer à combler la maîtresse d'école. Je place chaque image dans une boîte en carton et je passe des heures à les admirer. J'apprends par mes parents que telle image est la reproduction du tableau d'un célèbre peintre, telle autre est l'œuvre de Renoir, de Chardin, de Cézanne et se trouve au musée du Louvre ou encore une illustration d'une fable de La Fontaine. Bref, je découvre l'existence de la "Grande Peinture" et des grands maîtres.
Cette découverte se poursuit à l'école primaire avec les livres, illustrés avec des reproductions de tableaux: les portraits des rois et autres personnages, grandes batailles et évènements historiques. Cette matière devient ma préférée, avec le dessin.
C'est à cette époque que je découvre, lors d'une visite de ma mère à ma grand-tante, que le voisin de celle-ci pratique la peinture. Je l'aperçois par la fenêtre ouverte, le pinceau à la main, occupé à peindre. La fenêtre est très basse ce qui facilite l'observation. L'homme est âgé, retraité de l'industrie textile, dont sont issus la plupart des habitants de l'impasse. Les maisons sont collées les unes aux autres et se composent d'une pièce au rez-de-chaussée et d'une autre à l'étage, sans confort, sans de salle de bain, juste un WC et un lavabo au premier. Chaque pièce ne fait pas plus de 20 m2 et dispose d'une seule fenêtre, pas très grande. L'orientation de l'impasse fait que le soleil ne pénètre jamais dans les maisons. Sinistre, presque lugubre ! L'impasse se termine par un chemin qui aboutit à la rue menant à l'école.
La fenêtre du voisin est grillagée ce qui maintient une certaine distance entre nous et me rassure. Je passe quelquefois de longues minutes, après la sortie de l'école, à l'observer lorsque la fenêtre est ouverte. Le geste me fascine. Ma mère ne comprend pas pourquoi j'arrive si tard de l'école et me gronde à chaque fois. Cet homme n'a jamais prononcé une parole ni manifesté aucun signe d'impatience ni de gêne malgré l'indiscrétion évidente dont je faisais preuve.
Il peignait des maisons et des fermes normandes. Il ne manque aucun détail ! Ces tableaux n'ont rien à voir techniquement avec la grande peinture et les œuvres que j'admire dans les livres. Aucune importance, je suis hypnotisée par ces gestes.
En sixième, je découvre l'antiquité grâce à l'histoire avec la peinture égyptienne, romaine, grec. Les Égyptiens racontent les aventures de leurs pharaons avec des dessins et des peintures. De la BD avant l'heure. J'adore ! La professeure d'histoire est aussi la prof de français et de dessin. C'est une enseignante qui sait captiver ses élèves.
C'est à cette époque que je commence à dessiner des portraits au crayon sur le bloc de papier à lettre familial. C'est le seul papier dont je dispose qui ne soit ni rayé ni quadrillé. Petit problème, le bloc est vide lorsque mes parents en ont besoin pour écrire une lettre ! Qu'importe ! Pour dessiner, je suis prête à affronter la colère de mes parents.
passage à l'acte
C'est mon entrée au lycée qui va être déterminante.
Je rencontre Jocelyne qui habite à proximité de mes grands-parents paternels. Nous devenons rapidement amies bien que de milieux différents. Ses parents sont chefs d'entreprise et Jocelyne dispose de moyens que je n'ai pas. Je m'embourgeoise? Pas du tout ! Je rassure mes parents: ce sont des gens très simples. C'est vrai. Des gens simples, mais riches. Jocelyne fait aussi du piano, aujourd'hui, elle enseigne la musique.
Chose logique, Jocelyne m'invite chez elle. Jolie maison! Avec des tableaux plein les murs!
De vrais tableaux. Certains portent en signature son nom de famille. Je lui demande qui dans sa famille est peintre. Elle me répond: "c'est moi !". Stupéfaction ! Je la complimente et je lui dis qu'elle a de la chance de pouvoir pratiquer la peinture. Là encore, il n'y a rien de comparable avec les œuvres majeures vues dans les livres. Mais l'idée me vient brusquement que peindre est à ma portée. Jocelyne, connaissant mon goût pour le dessin, me pousse à essayer. Soit! Mais cela coûte combien? Je calcule le budget dont je vais devoir disposer. Il faut économiser, plusieurs mois!
Donc, plusieurs mois plus tard, j'achète le matériel nécessaire (le minimum pour débuter): un carton entoilé de 30 cm, quelques tubes de peinture à l'huile et quelques pinceaux. La palette ? Un morceau de contre-plaqué fera l'affaire.
Je prends soin de cacher mes achats à mes parents, pour l'instant. C'est aussi en cachette que je peins ma première "toile". Le sujet : une illustration prise dans un livre sur les animaux des bois.
Je suis plutôt contente du résultat. Évidemment, la technique laisse à désirer et quand je regarde la toile aujourd'hui, cela me fait sourire. Mais à l'époque, je suis suffisamment fière de moi pour montrer le résultat à ma mère, non sans appréhension. À tort, elle réagit plutôt bien. La réaction de mon père est plus mitigée. Ce qui le gêne n'est pas la qualité du tableau, mais le tableau lui-même. La peinture ça n'est pas pour nous. Il en faut plus pour me décourager.
Je continue donc ! Le deuxième tableau (un simple carton entoilé petit format) représente mon neveu. Très ambitieux étant donné mon niveau technique. Pas si mal finalement, mais pas très ressemblant ! Le troisième, je le peins à la demande de ma mère qui souhaite remplacer une lithographie qui se trouve dans l'entrée et qui est très endommagée. Une scène de chasse dont je me sors plutôt bien.
Me voilà lancée, plus rien ne m'arrêtera. J'ai bataillé, car la peinture est un loisir qui coûte cher. Après plusieurs années, j'ai commencé à vendre, ce qui m'a permis de m'auto-financer.
J'ai participé à quelques concours et à de nombreuses expositions.
J'ai ajouté l'aquarelle à ma palette. Plus simple à mettre en œuvre, pas de délai pour le séchage. Mais je préfère la peinture à l'huile, car elle offre des possibilités au niveau de la texture et du relief que ne permet pas l'aquarelle. L'intensité de la couleur n'est pas la même non plus.
J'utilise des supports très variés. Là encore, l'huile offre plus de possibilités: toile, bois, mur, ardoise, pierre...
Je m'intéresse aussi à la photographie. Les principes sur la composition sont les mêmes. L'informatique apporte des techniques dans le domaine du traitement de l'image qui m'ont poussé à devenir infographiste. Nous ne sommes pas très loin de la peinture finalement. De plus, je n'aime pas peindre en extérieur. Trop frileuse, mais pas seulement !
J'utilise donc quelquefois mes photos comme base de travail et j'ai souvent le tableau dans la tête lorsque j'appuie sur le déclencheur.
Voilà, c'est terminé. Si vous êtes allés jusqu'au bout de cette "biographie", je vous souhaite une bonne visite. A moins que cela ne soit déjà fait!